Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 26 février 2019 au Journal officiel de l’Union européenne et au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, la collectivité territoriale de Martinique a engagé une consultation en vue de la conclusion d’un accord cadre de prestations de nettoyage de locaux et de sites, divisé en neuf lots
La société Clean Building, qui s’est portée candidate, a été informée, par courrier du 22 août 2019, que le lot n° 8 lui a été attribué et que son offre a été rejetée pour les autres lots, les lots n°s 1 à 6 et le lot n° 9 étant attribués à la société Sadis’nov et le lot n° 7 à la société Madianet.
La société Clean Building a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique, sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, l’annulation de la procédure de passation du marché pour les lots qui ne lui ont pas été attribués.
Le juge des référés, par une ordonnance du 30 septembre 2019 a rejeté les demandes de la société Clean Building laquelle s’est alors pourvue en cassation.
Il ressortait des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique que le contrat en litige avait été conclu le 6 septembre 2019 dans la matinée, soit postérieurement à la réception par les services de la collectivité territoriale de Martinique de la télécopie et du courrier électronique de l’avocat de la société requérante lui notifiant son référé précontractuel.
Le marché avait ainsi été signé par la collectivité en méconnaissance de l’obligation prévue à l’article L. 551-4 du code de justice administrative qui dispose que le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu’à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle.
Sur ce point, le Conseil d’Etat rappelle que le pouvoir adjudicateur, lorsqu’est introduit un recours en référé précontractuel dirigé contre la procédure de passation d’un contrat, doit suspendre la signature de ce contrat à compter, soit de la communication du recours par le greffe du tribunal administratif, soit de sa notification par le représentant de l’Etat ou l’auteur du recours agissant conformément aux dispositions de l’article R. 551-1 du code de justice administrative.
Il estime que, s’agissant d’un recours envoyé au service compétent du pouvoir adjudicateur par des moyens de communication permettant d’assurer la transmission d’un document en temps réel, la circonstance que la notification ait été faite en dehors des horaires d’ouverture de ce service est dépourvue d’incidence, le délai de suspension courant à compter non de la prise de connaissance effective du recours par le pouvoir adjudicateur, mais de la réception de la notification qui lui a été faite.
A ce titre, le Conseil d’Etat rappelle que la méconnaissance par le pouvoir adjudicateur de l’obligation de suspendre la signature du contrat ouvre la voie du recours en référé contractuel au demandeur qui avait fait usage du référé précontractuel
Or, dans cette hypothèse, le Conseil d’Etat considère que, sur le fondement des dispositions l’article L. 551-20 du code de justice administrative, qui, selon lui, doivent être lues à la lumière de celles de l’article 2 sexies de la directive du Conseil du 21 décembre 1989 dont elles assurent la transposition, le juge du référé contractuel est tenu soit de priver d’effets le contrat en l’annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat
Selon le Conseil d’Etat, alors même qu’il avait rejeté les conclusions de la société Clean Building présentées sur le fondement de l’article L. 551-18 du code de justice administrative, le juge du référé contractuel du tribunal administratif était tenu de prononcer l’une des sanctions prévues à l’article L. 551-20 du Code de Justice Administrative.
Le Conseil d’Etat estime que, en ne le faisant pas, le juge du référé contractuel a commis une erreur de droit.
Statuant alors sur le fond du droit, le Conseil d’Etat, prenant en compte la gravité du manquement commis, son caractère plus ou moins délibéré, la plus ou moins grande capacité du pouvoir adjudicateur à connaître et à mettre en oeuvre ses obligations ainsi que la nature et les caractéristiques du contrat, prononce une pénalité financière de 10 000 €.
Il y a donc lieu pour les pouvoirs adjudicateurs d’être particulièrement prudents dans la signature de leur marché pendant la période critique pendant laquelle un référé précontractuel peut être notifié.
Conseil d’Etat – 27/05/2020 – n° 435982
François Carré