Par un arrêt rendu le 22 mai 2019, le Conseil d’état fait application de sa jurisprudence Baillargues et précise la condition d’urgence qui permet au Juge des référés d’ordonner l’expulsion d’un occupant du domaine public.

Par une convention du 16 février 2012, l’association Les Familles C. du Gard s’était vue transférer d’une autre association la gestion de la crèche parentale La Farigoulette située dans la commune de Langlade. Par une convention du même jour, la commune de Langlade a conclu avec l’association Les Familles C. du Gard une convention de partenariat d’une durée d’un an ayant pour objet la mise à la disposition de cette dernière, à titre gratuit, des locaux précédemment occupés par l’autre association et définissant les modalités d’attribution d’une subvention annuelle pour le financement de la crèche. Cette dernière convention a été reconduite et arrivait à son terme le 1er août 2018. Par un courrier du 27 mars 2018, le maire de Langlade a informé l’association Les Familles C. du Gard de sa décision de ne pas renouveler cette convention à son terme et par une délibération du 5 avril 2018, le conseil municipal a décidé d’instituer un service public communal d’accueil permanent et occasionnel de la petite enfance dans les locaux municipaux jusque-là occupés par l’association et d’en confier la gestion à un tiers dans le cadre d’une concession de service public. La commune a ensuite saisi le juge du référé expulsion du tribunal administratif de Nîmes pour qu’il enjoigne à l’association d’évacuer les locaux municipaux à compter du 2 août 2018. Ce juge a fait droit à sa demande.

Par un arrêt du 13 avril 2016 (n°391431), le Conseil d’Etat avait affirmé que la condition de l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de service public nécessaire pour qu’un bien appartienne au domaine public peut être regardée comme satisfaite quand cet aménagement est en cours de manière certaine comme en atteste des éléments de droit et de fait.

En l’espèce, le Conseil d’état affirme « que, quand une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des mission de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait , telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public ».

Ensuite, le Conseil d’état estime que la condition d’urgence qui permet au Juge des référés d’ordonner l’expulsion d’un occupant du domaine public n’est pas satisfaite si l’occupant n’a pas manifesté son refus de quitter les lieux au terme du contrat l’autorisant à les occuper.

En l’espèce, « il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu’à la date à laquelle il a statué, l’association Les Familles C. du Gard occupait régulièrement les locaux en litige, en vertu de la convention de partenariat conclue le 27 juin 2017 et arrivant à son terme le 1er août 2018. Cette association, par un courrier de son conseil du 16 mai 2018, avait pris acte de la volonté de la commune de mettre fin à cette convention. Il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge des référés que l’association Les Familles C. du Gard aurait manifesté son intention de se maintenir dans les lieux après le 1er août 2018 et de faire obstacle à l’ouverture au public, prévue le 27 août 2018, du service public municipal d’accueil de la petite enfance. Dès lors, en estimant, par son ordonnance du 27 juillet 2018, que les conditions d’urgence et d’utilité requises par l’article L. 521-3 du code de justice administrative étaient satisfaites compte tenu de l’opposition manifestée par l’association et des nécessités liées à l’ouverture prochaine de la crèche municipale, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier. L’association Les Familles C. du Gard est, par suite, fondée à en demander l’annulation ».

Conseil d’état, 22 mai 2019 : Association les familles C. du Gard, n° 423230.