Arrêt de chantier : risques et conséquences
La situation inédite à laquelle nous faisons face doit nous pousser à la plus grande prudence.
Inconscient serait celui qui aujourd’hui affirmerait que pendant cette période tout se réglera par la simple invocation de la force majeure.
Pour rappel, celle-ci est dorénavant définie comme suit par le Code Civil : il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Déterminer, a priori, et dès aujourd’hui ce qui sera considéré, demain, comme une mesure appropriée permettant d’éviter les effets de l’événement que constitue le virus planétaire qui nous confine à domicile, est utopique.
Dans ces conditions, seule la prise de précautions doit guider notre comportement.
De façon évidente, tout contrat qui viendrait à être signé actuellement doit comprendre une clause concernant les délais permettant contractuellement de s’assurer que les deux parties s’accordent pour considérer qu’ils ne courent pas pendant l’état d’urgence sanitaire.
Même si les deux parties se pensent en mesure d’assumer leurs engagements, l’on ne peut parier sur la durée des mesures et sur les conséquences à long terme des difficultés industrielles mondiales notamment en termes de fourniture de matières premières quelles qu’elles soient.
Qui aurait pu penser que l’alcool ménager deviendrait une denrée rare ?
Par suite, les chantiers doivent être interrompus.
En effet, entre le risque de contamination des intervenants, les difficultés d’approvisionnement et les interventions des forces de l’ordre pour faire respecter les consignes gouvernementales, tout autre choix apparait inconséquent.
Deux conséquences de cette interruption doivent être anticipées autant que faire se peut.
Se pose d’abord la question de la garde du chantier : la simple désertion ne peut s’envisager et il faut assurer la sécurité des chantiers en cours.
Ainsi, il ne faut pas omettre que tant que le chantier n’est pas réceptionné les entreprises sont responsables de la perte de l’ouvrage, du vol des matériaux ou des équipements présents sur le chantier.
En conséquence, les entreprises doivent mettre en œuvre des mesures de protection de leurs chantiers. Dans ce cadre, il faut évidemment penser à faire un état des lieux, a minima, par l’établissement d’un CR de chantier, mais aussi, pratiquement à couper les réseaux, à sécuriser les différents matériels, matériaux et engins avant de verrouiller les accès et de mettre en place un système de gardiennage si cela est possible et nécessaire.
Laisser un chantier à l’abandon sans prise de précaution serait un risque inutile alors que certains contrats d’assurance ne pourront donner lieu à la mobilisation des garanties qui y sont contenues sans une prise de précaution minimale (TRC par exemple).
Enfin, le risque principal de l’arrêt de chantier est évidemment relatif au dépassement des délais contractuels et donc aux pénalités de retard.
Par principe c’est l’entreprise qui supporte le risque du dépassement du délai qu’elle s’est engagée à respecter.
Si certaines clauses de pénalités de retard pourront être combattues par la notion de force majeure, toutes risquent de ne pas l’être selon leur rédaction et les interlocuteurs en présence.
Encore une fois la notion de force majeure va devoir être appréhendée dans sa globalité mais appliquée à des situations particulières et nul ne sait aujourd’hui dans quel cas elle sera retenue ou exclue demain.
Il importe donc à tout le moins d’établir le décompte des retards applicables à la crise sanitaire afin de ne pas mélanger les différentes causes en présence et d’être en mesure d’établir quel retard est imputable à quel arrêt de chantier et donc l’origine du dépassement du délai.
Selon les décisions qui seront prises par le Gouvernement, à l’issue des discussions entre ce dernier et les représentants des professionnels du bâtiment, cela permettra d’établir le lien nécessaire entre la crise sanitaire et le retard induit.
Ne sachant pas de quoi l’avenir sera fait, soyons donc prudents.