Les conditions posées à l’exercice des pouvoirs de police du maire pour prendre des mesures de lutte contre l’épidémie de COVID 19.

 

Par une ordonnance du 17 avril 2020, le Juge des référés du Conseil d’état s’est prononcé sur les conditions qui subordonne la mise en œuvre, par les maires, de leur pouvoir de police général pour édicter des mesures de lutte contre l’épidémie.

Dans un premier temps, le Juge des référés du Conseil d’état rappelle que la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a introduit dans le Code de la santé publique un chapitre relatif à l’état d’urgence sanitaire, comprenant les articles L 3131-12 à L 3131-20. La loi du 23 mars 2020 a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter de son entrée en vigueur. Par un décret du 23 mars 2020, le Premier ministre a prescrit les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Par ces dispositions, le législateur a institué une police spéciale donnant aux autorités de l’Etat mentionnées aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 la compétence pour édicter, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les mesures générales ou individuelles visant à mettre fin à une catastrophe sanitaire telle que l’épidémie de covid-19, en vue, notamment, d’assurer, compte tenu des données scientifiques disponibles, leur cohérence et leur efficacité sur l’ensemble du territoire concerné et de les adapter en fonction de l’évolution de la situation.

Ensuite, le Juge des référés du Conseil d’état a rappelé que les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales autorisent le maire, y compris en période d’état d’urgence sanitaire, à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dans sa commune. Le maire peut, le cas échéant, à ce titre, prendre des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune, des mesures décidées par les autorités compétentes de l’Etat, notamment en interdisant, au vu des circonstances locales, l’accès à des lieux où sont susceptibles de se produire des rassemblements.

En revanche, le Juge des référés du Conseil d’état estime que la police spéciale instituée par le législateur fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s’appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat.

Faisant application de ces principes à l’arrêté du Maire de la Commune de Sceaux qui imposait le port d’un masque grand public pour pouvoir circuler sur le territoire communal, le Juge des référés du Conseil d’état a considéré que ces deux conditions ne sont pas remplies.

En effet et d’une part, ni la démographie de la commune de Sceaux ni la concentration de ses commerces de première nécessité dans un espace réduit, ne sauraient être regardées comme caractérisant des raisons impérieuses liées à des circonstances locales propres à celle-ci et qui exigeraient que soit prononcée sur son territoire, en vue de lutter contre l’épidémie de covid-19, une interdiction de se déplacer sans port d’un masque de protection.

D’autre part, l’édiction, par un maire, d’une telle interdiction, à une date où l’Etat est, en raison d’un contexte qui demeure très contraint, amené à fixer des règles nationales précises sur les conditions d’utilisation des masques chirurgicaux et FFP2 et à ne pas imposer, de manière générale, le port d’autres types de masques de protection, est susceptible de nuire à la cohérence des mesures prises, dans l’intérêt de la santé publique, par les autorités sanitaires compétentes

Enfin, en laissant entendre qu’une protection couvrant la bouche et le nez peut constituer une protection efficace, quel que soit le procédé utilisé, l’arrêté est de nature à induire en erreur les personnes concernées et à introduire de la confusion dans les messages délivrés à la population par ces autorités.

En conséquence, Alors même que la commune de Sceaux indique avoir mis en œuvre diverses mesures pour que tous ses habitants puissent, à terme rapproché, disposer d’un masque de protection, l’arrêté contesté, qui est d’ailleurs susceptible de concerner des personnes ne résidant pas dans la commune mais devant s’y déplacer, porte ainsi à la liberté d’aller et venir et au droit de chacun au respect de sa liberté personnelle une atteinte grave et manifestement illégale.

Conseil d’état, 17 avril 2020 : Commune de Sceaux, n° 440057