Le report de la clause pénale

Ou comment compliquer les choses et craindre le pire du fait de l’incertitude.

Comme précisé antérieurement, une ordonnance du 15 avril est venue compléter celle du 25 mars quant à la problématique de report des délais pendant la durée de la crise sanitaire.

La méthode choisie était complexe et aboutissait à des incohérences selon que le délai d’exécution de l’obligation prenait fin juste avant ou juste après la période concernée par la protection offerte par l’ordonnance.

Ainsi, schématiquement, la sanction d’une obligation arrivant à terme (délai de livraison par exemple) le 31 mars bénéficiait d’un report jusqu’en juillet (un mois après la fin de la période de protection) alors que celle arrivant à terme le lendemain de la fin de la période de protection était immédiatement exigible sous peine souvent de lourdes conséquences financières par application de la clause pénale.

Le texte d’avril vient simplifier et unifier les situations : le principe du report de la sanction pour non respect du délai (astreinte, clause pénale) se fait dorénavant indépendamment de la date d’expiration de l’obligation puisque le délai bénéficie d’une suspension.

Qu’importe donc si le délai pour exécuter l’obligation arrivait à terme pendant la période protégée ou juste après, la suspension de la sanction contractuelle s’applique.

Le délai de suspension de la sanction n’est, par ailleurs, plus uniforme mais dépend du temps qui s’est écoulé entre la première des deux dates que sont la naissance de l’obligation ou le début de la période d’urgence et le terme prévu de l’obligation.

Un dessin peut-être ? Un exemple à tout le moins.

Si l’obligation est née avant la période de crise sanitaire et devait être exécutée avant une date comprise dans cette période de crise, le délai, grâce à la suspension, sera considéré comme n’ayant pas couru entre le 12 mars et la date d’exécution prévue.

Ainsi un marché de travaux conclu avant le 12 mars et devant être réalisé avant le 20 mars devra être terminé pour le 02 juillet soit la période protégée (24 juin) + 8 jours (entre le 12 et le 20 mars).

Si l’obligation est née pendant la crise sanitaire et devait être exécutée avant une date postérieure à la fin de la période protégée, le délai sera suspendu pendant le nombre de jours ayant couru entre la naissance de l’obligation et la fin de la période protégée.

Ainsi un marché de travaux conclu le 16 mars et devant être terminé le 30 juin sera reporté de 100 jours (nombre de jours entre le 16 mars et le 24 juin).

Mais attention, à la lecture du texte (article 4) il n’est question que du report non pas de l’obligation elle-même mais de l’astreinte qui s’y rapporte.

En d’autres termes, le texte entraine la suspension de la sanction mais pas de l’obligation.

L’obligation reste donc exigible là où la clause pénale ne l’est plus par l’effet de la suspension.

Cela signifie que si le débiteur de l’obligation échappe à la clause pénale dont le délai est suspendu, il n’échappera pas aux autres sanctions possibles de droit commun si son cocontractant établit avoir subi un préjudice.

On n’échappe au contrat mais pas à la Loi.

Charlotte JOLY